Galerie Amavero art et poésie

Sophie Coste

Sophie Coste vit à Lyon, où elle anime des ateliers d’écriture.
Son désir d’explorer l’épaisseur sensible des mots lui vient de Françis Ponge – à qui elle a consacré sa thèse. Elle a publié des articles sur Ponge dans des revues et ouvrages collectifs et codirigé l’ouvrage Ponge et ses lecteurs (Kimé, 2014). 
Parallèlement, elle est l’auteur d’un recueil à paraître, Gestes de femmes (préface de Philippe Delerm). À la croisée de la poésie et de la philosophie, l'ouvrage suggère d’écouter ce qu’ont à dire de notre humanité les mots les plus simples, ceux qui désignent les gestes ancestraux traditionnellement dévolus aux femmes. Certains des textes du recueil sont parus dans Europe et dans Libération, d’autres sont présentés lors de lectures publiques à Lyon.
Voici par ailleurs une vidéo ou  Sophie Coste parle de la "réparation" à propos des oeuvres de l'artiste Alain Pouillet et continue sa quête de sens avec le verbe "réparer"

La réparation - Sophie Coste from Alain Gonay on Vimeo.


L’avant-propos de Gestes de femmes

« Je me réjouis chaque jour, en tant que femme, de vivre à une époque qui ne m’enferme plus à la maison, vouée aux travaux domestiques. Je remercie mes semblables d’avoir lutté pour que l’espace extérieur nous soit ouvert. Pourtant je refuse absolument de déconsidérer à ce titre les travaux qui nous ont occupées pendant des siècles dans l’espace domestique. Si on les méprise, c’est précisément parce qu’ils ont été le domaine réservé des femmes : dès qu’un secteur d’activité se féminine, il perd de sa valeur – l’enseignement en est le plus parfait exemple. Le reniement de ces humbles gestes de l’ombre me fait horreur.
Chaque jour nous effectuons des gestes élémentaires pour manipuler les objets. C’est notre premier mode d’action sur le monde. Il me reconduit aux origines de l’humanité, quand l’homme primitif s’efforçait, pour survivre dans son milieu naturel, d’en apprivoiser les matériaux. Tout le développement humain, je le crois, est là en germe, peu à peu transposé et élargi à de nouvelles expériences : on a lancé des flèches avant de lancer des idées, posé des pierres avant de poser des hypothèses.
Parmi ces gestes, certains ont été dévolus, depuis des millénaires, aux femmes, surtout dans l’espace de la maison. Dépourvus de valeur marchande, ni conquérants ni spectaculaires, liés à l’intime et au corps, ils ont été rendus invisibles et insignifiants, et le restent. Laver, ranger ou tricoter semblent si peu prestigieux face aux travaux virils – chasser, lancer des flèches, soulever de lourdes masses. Ces gestes encore en grande partie « féminins », même si les femmes ont enfin obtenu le droit de ne plus y être cantonnées, ce sont eux, pourtant, qui entretiennent la vie, la restaurent, la nourrissent, lui permettent de suivre son cours. Je voudrais leur rendre hommage, pour les savoirs et l’incroyable puissance symbolique qu’ils manifestent. Rendre hommage aux femmes dispensatrices de bien-être, pourvoyeuses de vie.
Il me suffit pour cela d’écouter ce qu’ont à m’apprendre les mots simples qui désignent leurs gestes : filer, coudre, laver, raccommoder… Alors leur puissance se déploie. En plongeant dans leur profondeur, je découvre à leurs racines un dynamisme et une intelligence de la vie que l’usage avait peu à peu ensevelis ; sous la surface des mots, gelée par l’habitude, un terreau odorant où s’enchevêtrent les racines, les sources souterraines et les précieux gisements.
Comme de très vieux sages les mots délivrent leurs leçons. Elles me parviennent peu à peu, une à une. J’ai voulu restituer ce cheminement – dans ses méandres. 
»

Les commentaires d’Annie Ernaux
« C'est tout à fait inclassable, historique et intime, sensible, poétique.
C'est vertigineux, jouissif, impression d'être au plus profond de la matérialité des mots. Et l'évidence s'impose : nous sommes faits de mots. Pour le meilleur et pour le pire. Cet ouvrage verra le jour, il le faut. »

« Vous plongez dans l'épaisseur des mots et rendez celle des choses. Philippe Delerm a raison d'évoquer Chardin, Le Nain - ou Anne Sylvestre ! Vous êtes présente, plus que dans les textes précédents, avec légèreté mais de façon continue.
Ces verbes dessinent l'activité des femmes, leur maintien de la vie matérielle, et tous les sens qu'on appelait autrefois "figurés" en dérivent, c'est vertigineux! »

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